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Def : En astrophysique, l'horizon des événements marque la limite immatérielle de l'entrée dans un trou noir. Passé cette frontière, il est impossible de revenir en arrière.
Perdre un père qui a fait le choix de mourir et se construire à l’adolescence dans son absence, par son absence, est le lot de beaucoup d’entre nous. Cette perte se limite souvent par le vide physique de l’être disparu, et la force de l’événement laisse place au vivre au jour le jour, le temps que la douleur passe. Cependant, le vide occasionné par une disparition soudaine représente la perte d’un monde à part entière. Le défunt emporte avec lui son univers, ses émotions, ses états d’âme, et les laisse en bagage à ceux qui l’ont aimé. Ainsi, nous nous construisons dans l’absence de certains repères, nous façonnons notre identité avec des « si » en guise de béquilles.
30 ans plus tard, un manuscrit intitulé : « CE SONT DES BLESSURES COULEUR DE CICATRICE QUE JE VOIS SUR L’HOMME » a resurgi. Écrit en prose par mon père à l’âge de 25 ans, ces textes courts décrivent sa perception de la réalité, sa souffrance infinie, et laissent apparaître les interstices de sa personnalité dévorée par l’angoisse, ses visions, ses cauchemars, son être tout entier. On y lit sa tristesse et sa colère, impossible à dissoudre, malgré l’alcool et les médicaments, son regard sur ses semblables et sur le monde dans lequel il ne peut trouver sa place, ses allers-retours en hôpital psychiatrique et, entre les lignes, son choix douze ans plus tard de mettre fin à sa nuit.
Quand je suis tombé sur ce manuscrit, j’ai lu dans un premier temps la vision « romantique et mélancolique » d’un auteur en devenir, une forme de fiction du réel exacerbée par l’alcool, les psychotropes, et les médicaments. Au fil de mes nombreuses lectures de ces fragments de textes et de mes recherches annexes, j’ai découvert une description clinique de ce que l’on appelle la « mélancolie », le stade ultime de la dépression, rédigé à la première personne.
Dans ce récit photographique, les images représentent des instantanés de son existance ainsi que le décor intérieur que je perçois de l’univers psychique et mental de ce père. Je dessine les contours géologiques de cet espace sur lequel je l’imagine, perdu en lui-même. Cet univers tout entier dédié à son naufrage représente son errance et devient une part de lui-même, une part de moi-même. Ce lieu qui dérive vers l’horizon des évènements est l’espace scénique sur lequel les mots qui décrivent sa maladie se posent.
Ici les archives et les souvenirs sont comme les rêves; ponctués d’incohérences et de fantasmes. Je garde en mémoire une ambiance générale, une lumière particulière, l’atmosphère d’une journée à la mer, les édifices d’une ville, mais leurs formes sont abstraites et vaporeuses. Faussement exactes ; le décor semble secondaire. Pourtant, sa place est primordiale, il donne le ton de la pièce qui se joue dans le théâtre de la vie, il est le réceptacle dans lequel nous évoluons au fil du temps, au fil de nos expériences et de nos ressentis. J’ai donc travaillé les images d’archives comme des objets mémoriels à part afin de sortir de l’image originale et d’en élargir artificiellement le champ de perception. En travaillant les images d’archives avec l’I.A., je révèle des décors fictifs destinés à mettre en lumière des reflets de sa personnalité et cette altération de la perception propre à la mélancolie.
Dans une démarche introspective et psychanalytique, j’étudie cette étendue qu’est l’univers immatériel de mon père, cette part de moi-même enfouie dans ma mémoire devenue quasi minérale, une sorte de monolithe métaphysique de sa mélancolie qui se matérialise et le libère enfin. Depuis ma réalité, je collecte des fragments de vie passée, j’observe la topographie de cet espace qui le représente pour en dessiner les contours. Je prélève des artefacts, des sédiments de son parcours, j’exhume des photographies que je fais miennes pour conter cette histoire. Dans ce cheminement, les images et les textes se répondent au-delà du temps, pour former une fiction du réel, un dialogue entre celui qui n’est plus et celui qui est.
Et peut-être qu’à l’horizon des évènements, une étoile naîtra...
Def : En astrophysique, l'horizon des événements marque la limite immatérielle de l'entrée dans un trou noir. Passé cette frontière, il est impossible de revenir en arrière.
Perdre un père qui a fait le choix de mourir et se construire à l’adolescence dans son absence, par son absence, est le lot de beaucoup d’entre nous. Cette perte se limite souvent par le vide physique de l’être disparu, et la force de l’événement laisse place au vivre au jour le jour, le temps que la douleur passe. Cependant, le vide occasionné par une disparition soudaine représente la perte d’un monde à part entière. Le défunt emporte avec lui son univers, ses émotions, ses états d’âme, et les laisse en bagage à ceux qui l’ont aimé. Ainsi, nous nous construisons dans l’absence de certains repères, nous façonnons notre identité avec des « si » en guise de béquilles.
30 ans plus tard, un manuscrit intitulé : « CE SONT DES BLESSURES COULEUR DE CICATRICE QUE JE VOIS SUR L’HOMME » a resurgi. Écrit en prose par mon père à l’âge de 25 ans, ces textes courts décrivent sa perception de la réalité, sa souffrance infinie, et laissent apparaître les interstices de sa personnalité dévorée par l’angoisse, ses visions, ses cauchemars, son être tout entier. On y lit sa tristesse et sa colère, impossible à dissoudre, malgré l’alcool et les médicaments, son regard sur ses semblables et sur le monde dans lequel il ne peut trouver sa place, ses allers-retours en hôpital psychiatrique et, entre les lignes, son choix douze ans plus tard de mettre fin à sa nuit.
Quand je suis tombé sur ce manuscrit, j’ai lu dans un premier temps la vision « romantique et mélancolique » d’un auteur en devenir, une forme de fiction du réel exacerbée par l’alcool, les psychotropes, et les médicaments. Au fil de mes nombreuses lectures de ces fragments de textes et de mes recherches annexes, j’ai découvert une description clinique de ce que l’on appelle la « mélancolie », le stade ultime de la dépression, rédigé à la première personne.
Dans ce récit photographique, les images représentent des instantanés de son existance ainsi que le décor intérieur que je perçois de l’univers psychique et mental de ce père. Je dessine les contours géologiques de cet espace sur lequel je l’imagine, perdu en lui-même. Cet univers tout entier dédié à son naufrage représente son errance et devient une part de lui-même, une part de moi-même. Ce lieu qui dérive vers l’horizon des évènements est l’espace scénique sur lequel les mots qui décrivent sa maladie se posent.
Ici les archives et les souvenirs sont comme les rêves; ponctués d’incohérences et de fantasmes. Je garde en mémoire une ambiance générale, une lumière particulière, l’atmosphère d’une journée à la mer, les édifices d’une ville, mais leurs formes sont abstraites et vaporeuses. Faussement exactes ; le décor semble secondaire. Pourtant, sa place est primordiale, il donne le ton de la pièce qui se joue dans le théâtre de la vie, il est le réceptacle dans lequel nous évoluons au fil du temps, au fil de nos expériences et de nos ressentis. J’ai donc travaillé les images d’archives comme des objets mémoriels à part afin de sortir de l’image originale et d’en élargir artificiellement le champ de perception. En travaillant les images d’archives avec l’I.A., je révèle des décors fictifs destinés à mettre en lumière des reflets de sa personnalité et cette altération de la perception propre à la mélancolie.
Dans une démarche introspective et psychanalytique, j’étudie cette étendue qu’est l’univers immatériel de mon père, cette part de moi-même enfouie dans ma mémoire devenue quasi minérale, une sorte de monolithe métaphysique de sa mélancolie qui se matérialise et le libère enfin. Depuis ma réalité, je collecte des fragments de vie passée, j’observe la topographie de cet espace qui le représente pour en dessiner les contours. Je prélève des artefacts, des sédiments de son parcours, j’exhume des photographies que je fais miennes pour conter cette histoire. Dans ce cheminement, les images et les textes se répondent au-delà du temps, pour former une fiction du réel, un dialogue entre celui qui n’est plus et celui qui est.
Et peut-être qu’à l’horizon des évènements, une étoile naîtra...
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